La politique au rabais

Publié le par Yohann ABIVEN

 

On ne voit pas la ville à cause des maisons. Parce que nous voilà tous saisis par l'esprit boutiquier. Napoléon le réservait, dit-on, aux Anglais, ce n'est plus vrai. La boutique nous happe et certains, selon d'autres, y vendent leur âme. Une âme qui ne vaut pas cher, en solde comme tout le reste. L'âme reste une bonne affaire, surtout quand on tombe sur une bonne âme, qui ne décevra pas à l'usage. La bonne âme ravit l’esprit boutiquier parce qu’elle prend tout pour argent comptant. Les bonnes âmes ne sont pas chères, parce qu'elles ne sont pas rares. On les rencontre plus de deux fois dans l'année, elles se tapissent sous le crâne de hautes personnalités qui, quand elles sont ministres des boutiquiers, sous prétexte de faire droit dans leurs bottes en soldes, finissent par rater la marche. Car le monde est en marche, en marche vers le marché, et il serait temps que notre pays empesé s'en rende compte.

Une bonne âme gouvernementale a donc dit que, ah ça non… on n'ouvrirait pas les soldes au-delà de deux rendez-vous annuels, parce que cela déséquilibrerait tout, les petits seraient mangés par les grands. Ca reste à prouver, mais ce qui ne reste plus à prouver c'est que le ministre des boutiquiers ne fait jamais ses courses. Ou alors il ne fait pas attention et, quand on est ministre, c'est toujours embêtant de ne pas faire attention. Les soldes, n'en déplaise aux fétichistes du chiffon de papier législatif, ça existe tout le temps, et depuis pas mal de temps. L’esprit boutiquier a fait ses calculs, et ils sont justes. Imaginez un peu, disent les petits, imaginez que les gros s’amusent à vendre des vraies choses à des prix pas vrais. Que feraient les petits ? Ils mourraient en vrai. Non !, a dit un vrai ministre, la République c’est la raison et la raison c’est deux périodes de prix sacrifiés, et pas une de plus. D’ailleurs, c’est inscrit dans la loi. Quatre mois sur douze à peu près pour acquérir

« Un frigidaire
Un joli scooter
Un atomixer
Et du Dunlopillo
Une cuisinière
Avec un four en verre
Des tas de couverts
Et des pell' à gâteaux. »

Dit comme cela, c’est bel et bien terrifiant. Car que va-t-on faire le reste de l’année ? Consommer, dira la bonne âme du gouvernement, consommer pour faire s’envoler la croissance, et donc l’emploi, et avec, la réputation de la France, notre beau pays, si admiré dans le monde et dont l’influence… etc., etc.

Consommez, achetez aux vrais prix, disait un ministre à son pays, c’est le fonds qui manque le moins. L’homme d’Etat entendu, son pays s’en retourne aux boutiques si bien qu’au bout de l’an il n’en rapporta pas davantage.

Car il faudrait être fou ou patriote pour acheter au vrai prix. Je n’achète plus au vrai prix depuis longtemps, au moins au prix indiqué. Les boutiquiers m’ont confié une série de bouts de plastique qu’ils appellent cartes de fidélité et ça me procure tout au long de l’année en moyenne 20 % de réduction dans les grandes enseignes. Que celui ou celle qui, dernièrement, a acheté quelque chose sur un catalogue de vente par correspondance au prix inscrit sur la page se dénonce. On rencontrera une bonne âme ministérielle qui pense encore que la France d’en-bas aime les prix d’en-haut. Au sommet de l’Etat aussi, c’est les soldes !

 

 

 

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