Quel statut pour Jean-Paul II ?

Publié le par Yohann ABIVEN

On ne voit pas la ville à cause des maisons. Parce que le défunt souverain pontife peine un peu pour trouver asile en la bonne ville de Ploërmel, en Morbihan. Le maire de cette riante cité connue pour ses frères du même nom a eu l'idée de placer une statue de Jean-Paul II au centre du village, ce qui ne plaît pas à tout le monde. Et cette part agacée du tout le monde le fait savoir en traînant la commune devant le tribunal administratif pour atteinte à la loi de 1905, celle qui sépare les cultes de l'Etat. Jean-Paul II, on aura ton bronze, les laïcs sont dans les rues... de Ploërmel. Il y a bel et bien de l'eau bénite dans le gaz ploermelais. Plus aucun doute quand on se rend dans la riante cité de Ploërmel. Si vous décidez d'y faire halte, vous y apercevrez les ruines encore fumantes d'un bel édifice religieux, le Sacré-Coeur, chapelle d'un collège catholique réputé. L'édifice n'a pas été victime du feu de la raison laïque, seulement d'un incident d’origine indéterminée. Vous verrez également la paroisse de Saint Armel pavoisée d'appels municipaux annonçant que la commune est bien décidée à aider au relèvement de la chapelle abattue. Et personne n'y voit, semble-t-il, une atteinte à la loi de 1905, celle qui sépare les cultes de l'Etat. En somme, lorsque l'argent du contribuable érige une statue de Jean-Paul II, la laïcité en est toute chamboulée, mais lorsque les deniers publics alimentent la caisse de reconstruction d'un morceau, certes classé monument historique, mais un morceau tout de même d'une école catholique, et bien tout le monde à Ploërmel trouve cela très bien. Mais où est cependant la différence, si ce n'est, et c'est heureusement pour rassurer les démocrates libéraux, que les laïcs de stricte obédience ont des chaleurs bien sélectives ?

Tout de même, cette volonté laïque iconoclaste se rapproche de l'épuration pure et simple de l'histoire, comme elle dévoile qu'au fond la gauche anti-libérale ne restreint pas son qualificatif qu'à l'économie, contrairement à ses dires. La question  est de savoir si l'espace public de nos rues et places relève de la copie ou de l'écriture. Autrement dit, faut-il faire de Ploërmel une occasion d'écrire l'histoire officielle de quelques uns ou faut-il faire de Ploërmel une image comme une autre de notre histoire commune et, parce que commune, forcément pluraliste ? La première solution, celle des opposants à la statue pontificale, met tout simplement en danger ce pluralisme démocratique. Car il me semble qu'on peut avoir été un opposant résolu à Jean-Paul II et avoir cependant l'honnêteté intellectuelle de reconnaître qu'au final le pape polonais a compté dans l'histoire du dernier siècle et que sans lui, une partie des événements du monde n'est plus compréhensible. Le problème n'est pas d'approuver ou de désapprouver, c'est juste que c'est comme ça, un point c'est tout. L'histoire se fait, elle ne se refait pas après coup. Ce donc à quoi il faut veiller à Ploërmel, et là est je crois le vrai combat laïque, c'est que cette statue du défunt pape soit davantage un lieu d'histoire que de mémoire car, les controverses sur la morale jeanpaulinienne mises à part, nul ne saurait au moins douter que, comme dans le célèbre échange télégraphique, "la statue qui est là sur la place te regarde et te dit je t'aime, je t'aime, je t'aime".

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